Colloque international
Du 13 au 15 mai 2023
À L’Université Général Lansana Conté de Sonfonia-Conakry
La littérature guinéenne, 70 ans après la publication de L’Enfant Noir : bilan et perspectives critiques
Les tensions et bouleversements géopolitiques qui ont caractérisé le XXe siècle n’ont pas épargné l’Afrique qui a été au cœur de l’un des plus grands évènements du siècle : l’effondrement de l’empire colonial européen. L’émergence de la littérature africaine d’expression française est contemporaine mais aussi solidaire de cette mutation qu’a constituée l’accession à l’indépendance des pays anciennement colonisés. Nombre d’écrivains ont été le fer de lance de ce combat qui fut à la fois politique, idéologique, culturel et social.
Sur le plan idéologique et culturel, cette lutte de libération commence dans les années trente avec le lancement du mouvement de la Négritude. Du point de vue littéraire, la poésie fut le principal genre/canon d’expression de ce mouvement. Mais, après cet âge d’or de la poésie qui a dominé les lettres africaines durant les années 1930 et 1940, le roman s’est imposé avec une nouvelle génération d’écrivains dans la décennie 1950. Il succédait à un roman dit colonial…
C’est dans cet environnement d’après-guerre marqué à la fois par l’essoufflement poétique du mouvement de la Négritude mais aussi par le triomphe de la conception sartrienne de l’intellectuel qu’un jeune guinéen du nom de Laye Camara, âgé seulement de vingt-cinq ans, publie son premier roman L’Enfant Noir. On est en 1953, trois ans seulement après la publication du pamphlet d’Aimé Césaire (Le Discours sur le colonialisme) et trois ans avant le premier Congrès des écrivains, intellectuels et artistes du monde noir.
À cette époque-là, l’heure est impérativement au procès du colonialisme. Cependant, récit autobiographique, L’Enfant Noir ne s’inscrit pas tous azimuts, selon certains critiques littéraires, dans cette veine anticolonialiste. Ainsi s’il est, d’une part, favorablement accueilli par la critique française (le prix Charles-Veillon lui sera décerné en 1954) et par certains écrivains africains, il est, d’autre part, violemment attaqué par une partie de l’intelligentsia du continent.
Deux auteurs illustrent cette réception contrastée de L’Enfant Noir : Léopold Sédar Senghor et Alexandre Biyidi Awala (qui prendra successivement les pseudonymes de Eza Boto et de Mongo Beti). Senghor est naturellement un de ceux qui ont accueilli favorablement le roman de Camara qui traite du royaume de l’enfance, une thématique chère au chantre de la Négritude. En revanche, Mongo Béti critique violemment le roman du Guinéen. Dans un article resté célèbre « Afrique noire, littérature rose » (Présence Africaine, 1955/1 No I-II), ce dernier critique sévèrement Laye Camara en lui reprochant d’avoir versé dans un « pittoresque de pacotille » et surtout d’avoir fermé les yeux sur les crimes de la colonisation : « Laye ferme obstinément les yeux dans son roman L’Enfant Noir sur les réalités les plus cruciales. Ce guinéen n’a-t-il donc rien vu d’autre qu’une Afrique paisible, belle, maternelle ? Est-il possible que pas une seule fois Laye n’ait été témoin d’une seule exaction de l’administration coloniale française ? ».
À y regarder de près, aujourd’hui encore, lecteurs et commentateurs de ce roman devenu un des classiques des lettres africaines, écrivains ou universitaires, oscillent toujours entre ces deux positions antagoniques. Autrement dit, chez les uns, L’Enfant Noir suscite révérence et chez les autres, il appelle réserve, distance, quand il ne suscite pas tout simplement une fascination-répulsion chez un même lecteur. Ainsi, soixante-dix ans après sa publication et plus de quarante ans après la mort de l’auteur, il est temps de faire un bilan de sa réception, d’en évaluer la place, la portée, l’impact et de ressaisir les apories.
Ce colloque sera l’occasion de situer la place qu’occupent L’Enfant Noir et Laye Camara dans les lettres guinéennes, africaines et mondiales. Il ouvre également la perspective de renouveler l’interprétation de ce classique à l’aune des nouveaux acquis des théories de la littérature et de la lecture, des sciences du langage, de la sociologie et de l’anthropologie de la littérature, entre autres.
Toutefois, l’objectif de ce colloque ne se limite pas à une simple réévaluation de la réception de L’Enfant Noir. Il ouvre plutôt la veine d’une exploration approfondie et pluridisciplinaire de l’ensemble de l’œuvre de Laye Camara composée de deux autres romans (Le Regard du roi (1954), Dramouss (1966) et d’un récit historique Le Maître de la parole (1978), et, par-delà l’œuvre de Laye Camara, toute la création romanesque guinéenne. En effet, le choix du roman est dicté tant par sa place de dominante dans la production littéraire guinéenne que par la palette de thématiques qu’il offre comparativement aux autres genres. Car, malgré une production poétique et dramatique, le roman reste non seulement le genre le plus prisé des écrivains guinéens mais il est aussi celui dans lequel ils se sont le plus illustrés à l’échelle internationale. Les écrits des auteurs comme Tierno Monénembo, Williams Sassine,
Djibril Tamsir Niane ou Alioum Fantouré font partie, de nos jours, des classiques africains. À ces auteurs de renommée, récipiendaires de nombreux prix littéraires et autres reconnaissances, on pourrait ajouter d’autres plus jeunes, à l’image de Libar Fofana dont l’œuvre rencontre un grand succès critique.
Par ailleurs, une partie importante de cette production romanesque est relativement méconnue du grand public. L’une des raisons serait que ces romans sont, en grande partie, publiés dans de petites maisons d’édition ou chez des éditeurs locaux. L’une des vocations de ce colloque est justement de mettre en lumière ces écrivains sans couronne qui participent pourtant à la vitalité et au rayonnement des lettres guinéennes.
Dans cette perspective, un intérêt particulier sera accordé à la littérature féminine. Une littérature très riche et variée mais très mal connue. En effet, dans le sillage de Mariama Bâ et d’Awa Thiam, des pionnières comme Kesso Barry, Sira Baldé et Koumanthio Diallo mais aussi certaines de leurs cadettes comme Mariama Barry, Aissatou Forêt, Juliana Diallo, Binta Ann, ont produit une littérature à forte tonalité féministe. Des thématiques socio-culturelles comme la polygamie, le mariage forcé et l’excision occupent une place centrale dans leurs œuvres. Mais, dans des écrits comme ceux de Nadine Bari, ce sont plutôt des questions d’ordre mémoriel, judiciaire et politique qui sont au cœur des œuvres. En somme, les auteures sont ouvertes à l’imaginaire de l’Afrique postcoloniale…
Axes d’intervention
Les propositions de communication pourront s’inscrire dans l’un ou l’autre des axes esquissés ci-dessous, (sans qu’ils soient exclusifs), susceptibles d’enrichir la réflexion que nous souhaitons mener autour du roman guinéen. Elles pourront porter sur des auteurs ou aborder des aspects qui ne sont pas cités dans cet argumentaire :
Littérature et politique ;
Littérature et idéologie ;
Les enjeux mémoriels ;
La littérature féminine ;
Littérature et société ;
Fait, fiction et écriture de soi
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Principales échéances
– Date limite de réception des propositions de communication : 30 Novembre 2022
– Notification aux auteurs dont les propositions sont retenues : 1er janvier 2022
– Date limite d’inscription : 5 mars 2023
– Publication du programme provisoire et envoi des lettres d’invitation aux auteurs : 20 mars 2023
– Déroulement du colloque : du 13 au 15 mai 2023
– Date limite d’entrée des articles : 15 juillet 2023
– Publication des actes du colloque : décembre 2023
Frais de participation
– Frais d’inscription au colloque (à payer sur place) : 40 euros
Modalités de soumission
Les propositions de communication en Times New Roman 12, Normal, Justifié, devront comporter le titre et le résumé de la communication d’environ 300 mots (montrant la problématique abordée, la méthodologie, les points à développer et cinq mots clés), l’adresse de l’auteur (Nom et prénom(s), Ville, Pays, Téléphone, E-mail, Institution d’affiliation et une brève notice bibliographique, sont à envoyer à l’adresse suivante : colloquelayecamara@gmail.com
NB : Le transport, l’hébergement et les frais d’envoi du livre imprimé (pour les auteurs qui souhaiteraient l’avoir) sont à la charge du participant. Une pause-café et un repas de midi seront offerts par les organisateurs.
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Bibliographie indicative
Angui Aimé, Mohamed-Alioum Fantouré Thématique et techniques narratives dans l’œuvre romanesque d’un écrivain guinéen, Paris, Harmattan, 2018.
Azodo, Ada U., L’Imaginaire dans les romans de Camara Laye, Peter Lang, 2000.
Augustave, Elsie et D’Alméda Irène Assiba, Autour de L’Enfant Noir de Camara Laye. Un monde à découvrir, Conakry, L’Harmatan, 2018.
Bédé, Damien, Tierno Monénembo. Un écrivain pluriel, Paris, L’Harmatan, 2015.
Chevrier, Jacques, La Littérature Nègre, Paris, Armand Colin, 2003.
Chevrier, Jacques, Littératures Francophones d’Afrique noire, Marseille, Edisud, 2006.
Coulibaly, Adama, Des techniques aux stratégies d’écritures dans l’œuvre romanesque de Tierno Monénembo, Paris, L’Harmattan, 2011.
Degon, É., Williams Sassine. Itinéraires d’un indigné guinéen, Paris, Kartala, 2016.
Diallo, B., Ecritures, réécritures, enjeux dans le roman guinéen, Conakry, L’Harmatan, 2014.
Diallo, B., Réalités et roman guinéen de 1953 à 2003, Conakry, L’Harmatan, 2009.
Diop P. S. et Meyer B. (de), (éd.), Tierno Monénembo et le roman. Histoire, exil, Berlin, Lit. Verlag 2014.
Paravy, Florence, Williams Sassine n’est pas n’importe qui, Bordeaux, Pub, 2018.
Ifono, F. Pascal, L’Exil dans les romans de Tierno Monénembo, Conakry, L’Harmatan, 2018.
Kéita, Mohamed, Tierno Monénembo. Une approche sociocritique de l’œuvre romanesque, Paris, L’Harmatan, 2014.
Kesteloot, Lilyan, Histoire de la littérature négro-africaine, Paris, Karthala, 2002.
Malanda, Ange-Séverin, L’Esthétique littéraire de Laye Camara, Paris, L’Harmatan, 2000.
Notre Librairie – N°88/089, « Littérature guinéenne », Paris, Clef, 1987.
Sow, Mamadou Yaya, Le Personnage abject dans l’œuvre de Libar Fofana, thèse de doctorat, Université Général Lansana Conté de Sonfonia-Conakry, 2021.
Comité scientifique
Abdourahmane Diallo, Université de Francfort (Allemagne)
Adama Coulibaly, Université Félix Houphouët- Boigny (Côte d’ivoire)
Akoi Massa Zoumanigui, Institut Supérieur des Sciences de l’Education (Guinée)
Alpha Ousmane Barry, Université Bordeaux Montaigne (France)
Boulama Kaoum, Université Abdou Moumouni (Niger)
Clément Koama, Université Nazi Boni (Burkina Faso)
Ernest Bassané, Université Norbert Zongo (Burkina Faso)
Honorine Saré, Université Joseph Ki-Zerbo (Burkina Faso)
Lamoussa Tiaho, Université Joseph Ki-Zerbo (Burkina Faso)
Aimée Danielle Lezou-Koffi, Université Félix Houphouët- Boigny (Côte d’ivoire)
Fallou Mbow, Université Cheik Anta Diop (Sénégal)
G. G. Landry Yaméogo, Université Norbert Zongo (Burkina Faso)
Imourana Kaba, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry (Guinée)
Jean Marie Touré, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry (Guinée)
Mamadou Saliou Diallo, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry (Guinée)
Mamoudou Kouyaté, ISMV Dalaba (Guinée)
Pierre Fandio, Université Buea (Cameroun)
Martine Fandio, Université Buea (Cameroun)
Marie-Hélène Avril, Université Bordeaux Montaigne (France)
Najat Nerci, Université Mohammed V Casablanca (Maroc)
Saa Leno, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry (Guinée)
Salaka Sanou, Université Joseph Ki-Zerbo (Burkina Faso)
Vincent Ouattara, Université Norbert Zongo (Burkina Faso)
Sidiki Traoré, Université Joseph Ki-Zerbo (Burkina Faso)
Souleymane Ganou, Université Joseph Ki-Zerbo (Burkina Faso)
Margareta Kasberg, Université Bourgogne Franche comté (France)
Yamna Chadli Abdelkader, Université Bordeaux Montaigne (France)
Comité de lecture
Abdoulaye Bamba, Université de Kindia (Guinée)
Adamou Kantagba, Université Nazi Boni (Burkina Faso)
Adamou Siddo, Université de Zinder (Niger)
Amadou Condé, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry (Guinée)
Attié Djoud Djar Anlnabi, Université Adam Barka (Tchad).
Bachir Tamsir Niane, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry (Guinée)
Cissé Tounkara, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry (Guinée)
Fatou Ghislaine Sanou, M. A., Université Joseph Ki-Zerbo (Burkina Faso)
Faya Pascal Iffono, Institut supérieur des arts de Guinée (Guinée)
Hassane Cissé, M. A. Université Nazi Boni (Burkina Faso)
Lansana Yansané, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry (Guinée)
Mamadi Sayon Camara, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry (Guinée)
Mamadou Bailo Binta Diallo, Université de Bordeaux Montaigne (France)
Mamadou Yaya Sow, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry (Guinée)
Sibdou Nelly Maria Belemgnygré, Université Joseph Ki-Zerbo (Burkina Faso)
Nestor Tamba Mara, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry (Guinée)
Oumar Sacko, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry (Guinée)
Ouonan Mathias Chérif, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry (Guinée)
Pierre Nduwayo, Ecole normale Supérieure de Bujumbura (Burundi)
Comité d’organisation
Abdoulaye Doumbouya, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry
Abdoulaye Bamba, Université de Kindia
Amadou Condé, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry
Bachir Tamsir Niane, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry
Cissé Tounkara, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry
Faya Kamano, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry
Faya Pascal Iffono, Institut supérieur des arts de Guinée
Lansana Yansané, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry
Mamadi Sayon Camara, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry
Mamadou Bailo Binta Diallo, Université de Bordeaux Montaigne
Mamadou Lamarana Bah, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry
Mamadou Yaya Sow, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry
Maurice Kamano, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry
Mohamed Bangoura, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry
Nestor Tamba Mara, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry
Oumar Sacko, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry
Ouonan Mathias Chérif, Université Général Lansana Conté Sonfonia-Conakry
Thierno Aliou DIALLO, Institut Supérieur de Formation à Distance (ISFAD) de Guinée